Si Joe Pulizzi et Robert Rose sont les kings du content marketing (et de Content Marketing World), Ann Handley est assurément la queen. Pour la énième fois consécutive, elle a rempli la salle jusqu’au dernier strapontin pour une keynote.
Dans « The Rise of the Writer », elle s’est insurgée contre l’utilisation de l’IA dans la création de contenu. Même si cette observation mérite quelque nuance.
Nous étions donc particulièrement heureux de pouvoir lui soutirer une interview par la suite.
Les content marketers peuvent-ils laisser la rédaction de contenu à l’IA ?
Ann Handley : Sans surprise, je réponds à cette question avec un grand NON ! Nous ne voulons tout de même pas que les robots écrivent pour nous, si ? Cela ne nous aidera pas du tout à avancer in the long run.
Si nous confions le contenu aux robots, cela aura pour conséquence de créer encore plus de camelote IA. Mais bon, plus il y a d’entreprises qui le font, plus vous pourrez faire la différence. Celle-ci peut se faire en y réfléchissant différemment, en considérant la création de contenu et le content writing davantage comme le core, en y mettant plus de craft, …
Pendant longtemps, la technologie nous a permis de créer des raccourcis. L’IA fait un pas de plus : elle permet désormais de prendre des décisions stratégiques plus importantes. C’est cependant ce qu’il ne faut pas faire en matière de création de contenu.
Est-ce que là, on rend suffisamment justice à l’IA ? N’a-t-elle pas aussi sa place dans le processus de contenu ?
Ann Handley : Absolument ! Je ne prétends nullement qu’il ne faut pas se servir de l’IA. Seulement, il faut l’exploiter de la bonne manière et pour les bonnes choses. Lorsqu’il s’agit de moments qui sont cruciaux dans votre carrière, une touche personnelle est essentielle, tout comme lorsqu’il s’agit d’un contenu qui a un impact durable. Dans les deux cas, j’éviterais donc d’utiliser l’IA. Lorsqu’il s’agit de contenus qui perdent rapidement de leur impact, on peut certainement le faire.
De toute façon, l’IA est utile pour optimiser votre processus de marketing. Elle peut vous aider à améliorer, à varier. L’IA ne permet pas d’augmenter l’efficacité de vos écrits, mais elle les renforce.
L’an dernier, vous aviez déjà parlé de l’IA à Content Marketing World. Qu’est-ce qui a changé cette année ?
Ann Handley : L’année dernière, la plus grande crainte était que l’IA remplace nos emplois. Cette hystérie a maintenant disparu, mais elle a été substituée pour une grande confusion sur la manière exacte de l’exploiter.
Lors de Content Marketing World, bon nombre de présentations ont porté sur la culture d’équipe, sur l’humain dans le content marketing. À vos yeux, cela se reflète-t-il également dans la création de contenu ?
Ann Handley : Pour moi, la culture d’équipe consiste à préparer la prochaine génération de marketeurs. Comment nous assurer que nous leur fournissons les compétences dont ils ont impérativement besoin ? Et comment leur apprendre à se connecter aux prospects et aux clients ? Nous disposons de plus de technologies que jamais, mais en tant que marketeurs, nous nous sentons plus seuls et isolés que jamais auparavant.
Je vois toutefois un lien entre l’aspect humain et le ralentissement. Le marketing consiste à trouver le chemin le plus efficace vers les consommateurs, mais ça n’est pas nécessairement le plus rapide. Il faut parfois lever le pied, prendre le temps, d’abord, d’améliorer ou d’approfondir la relation avec ses consommateurs pour, ensuite seulement, aller plus loin. J’appelle cela des slowments. Le content marketing est l’outil par excellence pour créer ces slowments.
À quoi ressemblera le content marketing dans cinq ans ?
Ann Handley : Ce qui m’a fort touchée à San Diego cette année, c’est que le content marketing est simplement devenu du marketing. Ce n’est plus un silo. Le contenu est présent dans tout ce que nous faisons, dans toutes les communications.
À l’avenir, je ne la considère donc plus comme une discipline séparée, mais comme une technique totalement intégrée dans une approche marketing contemporaine.
Et quelles sont les compétences dont le marketeur de demain aura besoin pour cela ?
Ann Handley : Le marketeur de demain devra pouvoir écrire. Il s’agira alors surtout d’apporter des choses qui interpelleront son public. Il faut donc comprendre ce que veut ce public, avoir de l’empathie.
Et puis, quand on travaille dans le B2B il faut oser montrer sa personnalité et sa vulnérabilité. Fournir plus de fun. Je vois émerger cela, lentement, mais je m’attends à ce que ça prenne beaucoup plus d’ampleur.