‘The Direct and Hidden Cost of Pitching’ est un whitepaper qui soulève clairement les discussions… En collaboration avec l’UBA et Pitchpoint, L’ACC, l’association des agences de communication, a publié un document contenant les expériences de 62 agences de communication en matière de (comme l’indique le titre) pitches, compétitions et appels d’offre.
Les principales conclusions ? Les pitches représentent 28 % des leads des agences (un prospect qui prend directement contact étant le premier générateur de leads avec 34 %). Il s’agit donc d’un paramètre de croissance majeur. Cependant, cela a un coût. Littéralement. Pour les agences de marketing à service complet, celui-ci s’élève annuellement à 664.000 euros en moyenne, soit 83 % de leur marge.
La responsabilité du coût élevé incombe aux deux parties
Il s’agit de chiffres hallucinants, à peine meilleurs du côté des agences de content marketing. Là, on comptabilise un coût annuel moyen de 118.000 euros, soit 61 % de la marge. « C’est de la folie », a déclaré un des patrons d’agence que nous avons interviewés.
Custo – qui fait partie de l’ACC – a souhaité explorer la manière dont se déroulent les pitches au sein du content marketing, ce qui est bon et ce qui pourrait être amélioré. « Les chiffres qui ont été publiés font la faillite de notre secteur », dixit Fabio Gilio, Digital Marketing Expert et Managing Partner chez We Are Digital (WAD). « Surtout le fait que nous trouvions cela normal. »
« Or », ajoute-t-il immédiatement, « la responsabilité est double. » Il y a un tas d’agences qui sautent sur toutes les nouvelles missions imaginables et sont prêtes à travailler à des prix plancher. Les annonceurs, quant à eux, ne sont pas suffisamment conscients de l’impact majeur d’un pitch, ce qui contribue au fait qu’ils accordent trop peu d’attention a un briefing de qualité et de bonnes procédures. » En guise d’exemple, Fabio nous fait le récit de deux pitches remportés par Propaganda Group en 2023, qui n’ont cependant pas produit le moindre euro en business.
Un briefing peu clair, une charge de travail élevée, …
Cela suscite pas mal de mécontentement du côté des agences. C’est aussi le cas pour Olivier Van der Stede, Managing Partner de Bold & Pepper, qui à la fin de l’année dernière a pris sa plume et consigné ses expériences de pitch dans un blog post. « Pour être clair, je ne remets pas en question l’utilité des pitches », dit-il. « Du moins, pas toujours. Cela dépend de la clarté avec laquelle la question est formulée et du caractère récurrent de la mission. » Chez Bold & Pepper, les pitches génèrent un tiers du new bizz.
Ce que les agences ont par contre du mal à digérer, ce sont la charge de travail importante qu’implique un pitch et le travail au doigt mouillé qui va parfois de pair avec l’évaluation. « Je trouve bizarre que certains donneurs d’ordre exigent un exercice de grande envergure, mais ne vous donnent pas les armes pour partir à la guerre », explique Geerlinde Pevenage, Founder de BOSON Content. « Parfois, le briefing n’est pas clair ou le donneur d’ordre ne veut pas le clarifier. Ce que je demande toujours sur-le-champ, ce sont les paramètres qui détermineront le choix. Si l’on n’a pas encore déterminé cela, ou si l’on ne sait pas quel sera approximativement le budget, on peut difficilement prétendre vouloir lancer un exercice professionnel… »
Le public versus le privé
Selon nos interlocuteurs, ce travail au doigt mouillé est beaucoup moins présent lorsqu’on a à faire à des adjudications publiques. C’est logique, car les adjudicateurs publics sont obligés de reprendre les critères dans le cahier des charges, tout comme ils sont tenus de suffisamment motiver leur décision.
« Le cahier des charges est clairement rédigé », dit Olivier Van der Stede, « et les conditions ou procédures sont connues. Sur ce plan, les entreprises ont encore beaucoup à apprendre. » « Le processus est plus structuré », reconnaît aussi Fabio Gilio, « mais je me demande si le système n’offre pas plus d’inconvénients que d’avantages. On ressent souvent qu’un pouvoir public est ‘obligé’ de lancer un appel d’offres, ce qui fait que des accords sont conclus à l’avance et que les conditions sont rédigées à la mesure d’une agence. L’agence qui comprend le mieux le système de points du pouvoir public, l’emporte. J’ai entendu parler un jour d’une marque de café qui avait remporté un appel d’offres majeur pour du café durable. Son café n’était pas du tout durable, mais comme 60 % des points portaient sur le prix, cela ne posait aucun problème. »
Le pitch fee est important
Un dernier souci porte sur la rémunération que reçoivent les agences pour participer à un pitch. Dans le cas des adjudications publiques, il n’y en a pas du tout, et ce n’est toujours pas la règle pour les entreprises, malgré la charte commune pour la sélection des agences co-établie par l’ACC et l’UBA. « J’estime qu’un certain pourcentage du budget final de l’annonceur devrait être alloué, par défaut, aux agences participantes », lance Geerlinde Pevenage.
Tous les interlocuteurs estiment qu’il est important de prévoir un pitch fee, même si celui-ci ne couvrira pas du tout les frais encourus. « Bien que nous soyons évidemment aussi coupables », dit Olivier Van der Stede. « Nous offrons souvent plus que ce qui est demandé. »
Limiter le nombre de participants et créer un pool
La rémunération est un premier pas pour aborder un pitch de manière professionnelle. Un deuxième est de limiter le nombre de participants. « Je plaide pour une procédure en plusieurs étapes », dit Fabio Gilio. « Établissez d’abord une long list et demandez aux agences en question de vous fournir des informations limitées. Sur cette base, vous pouvez établir une short list avec maximum 4 agences. Vous pouvez déjà leur demander un peu plus, moyennant une compensation. »
Olivier Van der Stede plaide en outre pour l’introduction d’un ‘pool’ d’agences. « Cela existe déjà chez les pouvoirs publics », explique-t-il. « Pourquoi un grand annonceur ne tirerait-il pas profit d’un pool d’agences capables de soumettre une offre en réponse à chaque demande ? Cela motive les différentes agences et fait que le client est assuré d’obtenir un travail de qualité, même si la collaboration avec l’agence initiale ne se déroule pas comme prévu. On évite ainsi de devoir rapidement organiser une nouvelle compét’. »
Les alternatives à un pitch
Nos interlocuteurs formulent les suggestions suivantes pour tout marketeur à la recherche d’alternatives à un pitch :
- Trajet court : « Veillez à poser une question claire et demandez une réflexion stratégique autour d’elle. Avec des exemples de créations antérieures, cela vous permettra de bien évaluer la qualité d’une agence. » (Geerlinde Pevenage)
- ‘Chemistry meeting’ : « Organisez un brainstorming avec l’agence que vous souhaitez mettre à l’épreuve. Cela permet souvent d’obtenir un tas d’enseignements. (Fabio Gilio)
- Mini pitch : « Essayez d’éviter les grands exercices stratégiques et créatifs. Vous limiterez ainsi aussi votre propre investissement en temps. » (Geerlinde Pevenage
- Pas un pitch à chaque fois : « Prenez votre téléphone et appelez pour avoir une offre pour des jobs plus restreints. Demander un input illimité et donner une aumône en retour n’est ni plus ni moins que du vol d’idées. » (Olivier Van der Stede)
- Test : « Invitez une agence à exécuter une petite mission. Neuf fois sur dix elle vous convaincra et vous aurez entamé une nouvelle collaboration. » (Fabio Gilio)
- Concentrez-vous sur une bonne collaboration avec votre agence : « Ainsi, il n’est jamais nécessaire, dans beaucoup de cas, de procéder à un pitch. À la rigueur, vous invitez votre agence (mais donc uniquement votre agence) à faire un exercice sur l’évolution de la collaboration sur 5 ans. Vous en tirerez des enseignements intéressants. » (Fabio Gilio)
Digital Marketing Expert et Managing Partner chez We Are Digital (WAD)
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