Robert, vous venez d’écrire un nouveau livre, ‘Content Marketing Strategy: Harness the Power of Your Brand’s Voice’. Quel besoin avez-vous identifié sur le marché ?
Le livre découle des formations que j’ai données ces dix dernières années. Chaque année, j’ai apporté de petites modifications à mes présentations, jusqu’à ce que, en 2022, j’en sois vraiment heureux. J’étais fier et j’ai senti que ma sculpture étant enfin terminée.
J’ai lentement réalisé que, d’une part, il existe beaucoup de content marketers qui adoptent une approche très consciente. Ils gardent un œil sur le Content Marketing Institute et lisent des ouvrages et des blogs qui peuvent servir d’inspiration pour leurs stratégies. D’autre part, il y a aussi les content marketers qui ne se rendent pas compte du fait qu’ils sont, en réalité, content marketer. Ils font le boulot d’un content marketer, mais s’ils étaient interrogés sur ce point, ils ne se présenteraient pas comme tel. Ils affirment qu’il sont tout simplement en train de construire un public et que c’est une bonne stratégie d’affaires.
J’étais à la recherche des ressemblances entre ces deux types de content marketers. Quelles activités ont-ils en commun ? J’ai donc voulu écrire un livre sur la manière dont on peut commencer à imiter ou dupliquer ce type d’activités, voire les construire à partir de zéro. Résultat ? Un livre sur l’élaboration de la bonne stratégie de content marketing.
Vous avez dit : « content marketing is marketing ». Est-ce parce que de nombreux marketeurs pensent encore en des termes et des techniques de marketing anciens ?
Ces dernières années, le digital s’est complètement intégré au marketing. Chaque entreprise dispose désormais de sa propre core digital strategy, énormément axée sur le contenu. À l’heure actuelle, le département marketing a pour mission de gérer, créer et mesurer ce contenu, à toutes sortes de fins marketing. Le marketing est toujours axé, aujourd’hui, sur le reach, la fréquence, la publicité, les RP, … Nous faisons toujours tout ce que faisions avant, mais par essence, toute organisation de marketing est une organisation médiatique. Sa fonction première est la création de contenu.
Est-ce que chaque entreprise qui fait du content marketing est aussi une organisation médiatique ?
Les entreprises européennes, principalement celles aux Pays-Bas, en Allemagne et au Royaume-Uni, sont en avance sur le reste du monde à cet égard. Cela fait belle lurette qu’elles créent des contenus de valeur. Les États-Unis savaient aussi déjà bien faire ça, mais ils se sont tellement imprégnés du SEO et de son focus sur la vente qu’aujourd’hui les entreprises y sont quelque peu à la traîne. À quelques exceptions près, la plupart des entreprises réalisent toutefois bel et bien, selon moi, qu’elles ont besoin de contenus de valeur.
À l’heure actuelle, les buyer personas font l’objet d’une sorte de débat en Belgique. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
Les buyer personas sont énormément utiles pour le product marketing. Ils définissent les champs d’intérêt de l’acheteur et ce dont ce dernier a besoin au stade de l’achat. En même temps, c’est justement aussi leur limite. En tant que content marketer, je préfère plutôt les audience personas, car je tiens aussi à savoir ce que mon client trouve intéressant en dehors de mon produit, de ma marque ou de ma solution. Donc, si je parviens à comprendre ça et à inspirer les gens à devenir acheteur, je peux utiliser les buyer personas pour mieux orienter mes propositions de valeur et ma différenciation produit. Les deux sont utiles, mais je me concentre sur l’élargissement de ma capacité à créer des contenus plus précieux pour les gens, pas seulement pour les acheteurs.
Que pensez-vous de l’approche selon laquelle les entreprises misent pleinement sur les médias sociaux et moins sur les owned media ?
De nos jours, il est difficile de marquer des points sur les médias sociaux. Il faut faire face au fait qu’il s’agit d’un ‘terrain loué’ et qu’une audience organique est tout simplement devenue impossible. La publicité payante sur les médias sociaux porte toujours ses fruits, mais ces paid media ne sont plus aussi incroyablement forts qu’ils ne l’étaient avant. Le filon d’or, aujourd’hui, ce sont les owned media.
Comment convaincre son patron de se lancer à fond dans le content marketing ?
Il faut évidemment d’abord étudier comment votre entreprise communique aujourd’hui. On communique souvent via les canaux d’autrui, comme les médias sociaux et Google. Pour veiller à ce qu’on vous trouve, il faut représenter quelque chose, il faut se démarquer sur le marché. L’internet est un marché d’idées et il faut raconter une histoire qui sorte du lot. Réfléchissez à l’endroit où – et à la façon dont – vous créez de la valeur sur le marché afin que les gens puissent vous trouver et que les clients soient impliqués et finissent par s’adresser à vous pour un produit ou un service. Le content marketing est un investissement à long terme : on élabore une stratégie owned media qui ajoute de la valeur à la marque.
Selon vous, où en sera le content marketing dans 5 ans ?
Je ne vois pas beaucoup de changements intervenir d’ici 5 ans, si ce n’est la perturbation qu’engendrera l’intelligence artificielle. L’automation, la personnalisation et d’autres technologies similaires vont se démocratiser, permettant à chacun d’y accéder plus facilement. À ce jour, la personnalisation, par exemple, est vraiment exclusivement destinée aux acteurs majeurs du marché, ce qui changera lentement sous l’impulsion de l’IA et de la technologie. De ce fait, il deviendra aussi toujours plus ardu de se différencier en tant qu’entreprise sur le marché. Les entreprises vont devoir découvrir comment modifier leur stratégie pour frapper les esprits malgré tout. Le contenu ne cesse de gagner en importance et le contenu créé par l’homme deviendra même premium.
Les entreprises de médias ont toujours plus difficile de nos jours. Quelles leçons les marques peuvent-elles en tirer ?
Les entreprises de médias ne reconnaissent pas qu’elles doivent également développer des produits et des services qui ne soient pas liés aux médias. Les marques de produits et de services se développent pour rester concurrentielles. Des sociétés comme Amazon, Microsoft ou Apple se mettent à opérer de plus en plus comme des entreprises de médias. Elles ne le font pas parce que pour elles c’est un modèle d’affaires, mais parce qu’il s’agit d’un moyen de commercialiser leurs autres produits et services. Ils deviennent des concurrents beaucoup plus coriaces parce qu’ils n’ont pas à gagner d’argent avec ça. Cette concurrence fait que les sociétés de médias ont désormais vraiment difficile.
De plus, ces marques comprennent qu’au final, le content marketing ne consiste pas à se vendre en tant qu’entreprise de médias. Il s’agit plutôt d’opérer comme une entreprise de médias : l’intégration de la gouvernance, le workflow, le maniement du contenu comme actif stratégique, la construction d’un public, … C’est ça qui, avec le temps, fait la différence.
En réaction à cela, les entreprises de médias développent aussi des produits et des services concurrents. Elles se servent de leurs marques pour concurrencer de manière différente, par exemple dans la mode, la technologie, … Résultat ? Aujourd’hui, bon nombre d’entreprises de produits et de services travaillent comme des entreprises de médias et les entreprises de médias qui vont survivre à cela vont se comporter de plus en plus comme des marques de produits et de services. Elles convergent toutes ; tout ça, c’est le même type de business. Et la concurrence croîtra donc.